Comment en étions-nous arrivés là ?
À supporter l’insupportable, à tolérer l’intolérable, à baisser les regards et ne plus regarder tous ces visages croisés, tous ces yeux égarés, toutes ces âmes apeurées, nous, fuyant devant le désespoir et la petite mort du monde.
Et ressentir l’appel foudroyant d’une société de consommation vers une société de compassion, tel un cataclysme intérieur où le choc est un hyper cut.
Où nous étions-nous perdus en chemin ? Au point d’être hypnotisés par ces devantures affublées de toutes leurs créatures, aux lumières scintillantes et aux musiques captivantes.
Sans nul doute, nous avons été aspirés au nom d’une société et nous sommes coupés de notre humanité.
Je me souviens de ces silhouettes que j’ai ignorées.
Je me souviens de ces mains tendues que j’ai rejetées.
Je me souviens de ces revers verbaux outranciers.
Oui, je m’en souviens comme d’un abîme et demande pardon.
Pardon d’avoir manqué de courage et de force et surtout pardon d’avoir manqué de coeur et de chaleur.
Pardon de ne pas avoir trouvé la clé vers vous, autres que moi.
Pardon si vous vous êtes sentis humiliés, rabaissés, moqués.
Sachez que des années après, je vous porte en moi comme la prunelle du ciel.
Que de vos corps souvent abîmés me restent l’ombre amère de mon arrogance et mon ignorance.
Là où il me fallait toujours tant et plus, accaparée par les désirs de ma réalité, obnubilée par le gouffre de la vacuité, ce fût une course effrénée pendant des années.
Chaque espace, il me fallait l’engouffrer, le gaver, l’empiler comme une gloire intérieure et un pouvoir supérieur.
Alors vos appels et vos cris extérieurs, je les ai balayés.
Oh société puisque tel est ton nom, sache que si aujourd’hui je m’agenouille ce n’est plus devant tes farfouilles.
Que seuls mes baisers sont l’expression de ma bonté.
Chaque jour qui m’est offert, à présent, j’embrasse l’humanité.
MM
Photo : MM